
D’après les données alarmantes publiées dans le baromètre Qualisocial x Ipsos, un tiers des salariés français affirmaient, en 2022, avoir subi au moins une situation de harcèlement sur leur lieu de travail ; parallèlement, quatre salariés sur dix déclaraient avoir été témoins d’agissements de même nature au sein de leur organisation. Autrement dit, rares sont aujourd’hui les entreprises qui peuvent prétendre être totalement épargnées par ce risque psychosocial : qu’il s’agisse d’une PME familiale, d’une start-up en forte croissance ou d’un grand groupe international, le harcèlement s’insinue partout où les relations professionnelles sont insuffisamment régulées. Cette réalité statistique, doublée d’une forte sensibilité sociétale à la qualité de vie au travail, impose aux dirigeants, DRH et managers de se doter de réflexes robustes pour détecter les premières dérives, protéger les équipes et préserver la réputation globale de la marque employeur.
Or, le Code du travail ne laisse aucune marge d’hésitation : dès qu’un soupçon sérieux lui est signalé, l’employeur est tenu de diligenter une enquête interne impartiale et approfondie. Dans la pratique, encore faut-il savoir identifier les signaux faibles — attitudes dégradantes répétées, remarques sexistes, isolement délibéré, surcharge ou privation de tâches, dénigrement public — qui, mis bout à bout, annoncent l’existence possible d’un harcèlement moral ou sexuel. Il faut ensuite réagir avec célérité : recueillir des témoignages, sécuriser des preuves, assurer la confidentialité des échanges, protéger la personne qui alerte et, au besoin, écarter temporairement le salarié mis en cause pour prévenir toute aggravation des faits.
En tant que cabinet spécialisé dans l’externalisation de la paie et la conformité sociale, nous accompagnons quotidiennement nos clients sur ces sujets sensibles. Nous vous proposons donc, dans les paragraphes qui suivent, un guide pratique : reconnaître les symptômes, organiser l’enquête, mobiliser les recours internes et externes, financer les frais médicaux éventuels, puis déployer une stratégie de prévention durable afin d’ancrer une culture de respect et de sécurité au travail.
C’est quoi le harcèlement au travail ? Définition
Moral, psychologique, sexuel : quels sont les différents types de harcèlement en entreprise ?
Le harcèlement peut intervenir dans toutes les sphères de la vie de vos salariés : dans leur vie personnelle, sociale, mais aussi professionnelle.
Au travail, le harcèlement prend généralement deux formes :
- Le harcèlement moral ou psychologique : c’est le fait d’imposer des gestes, paroles, comportements répétés qui dégradent les conditions de travail d’un salarié
- Le harcèlement sexuel : la répétition de comportements à connotation sexuelle non désirés. Le fait d’exercer une pression grave pour obtenir un acte de nature sexuelle est également assimilé à du harcèlement sexuel.
Point important : le harcèlement peut tout à fait être reconnu en l’absence de lien hiérarchique entre le harceleur et sa victime.
Comment se caractérise le harcèlement moral ?
Interdit par le Code du travail. trois conditions permettent de caractériser le harcèlement moral au travail :
- Des agissements répétés
- Une dégradation des conditions de travail
- Un dommage causé au salarié : en portant atteinte à ses droits et à sa dignité, en altérant sa santé physique ou mentale, ou en menaçant son évolution professionnelle.
Comment se caractérise le harcèlement sexuel ?
Quant au harcèlement sexuel, il est est caractérisé par des comportements à connotation sexuelle ou sexiste répétés qui ont pour effet de :
- Porter atteinte à la dignité d’un salarié en raison de leur caractère dégradant ou humiliant
- Ou créer une situation intimidante, hostile ou offensante.
Harcèlement au travail : comment prouver que votre salarié est harcelé ?
Qu’est-ce qui est considéré comme du harcèlement moral ?
La jurisprudence donne de nombreux exemples de situations considérées comme du harcèlement moral au travail. On peut citer notamment :
- Les critiques incessantes
- Les insultes régulières et répétées, brimades, humiliations, menaces
- La privation de travail ou à l’inverse une charge excessive
- La « mise au placard »
- Des conditions de travail dégradantes
- L’absence de consigne ou des consignes contradictoires
- Le refus de toute communication
- L’assignation de tâches dépourvues de sens ou sans rapport avec les fonctions
Qu’est-ce qui est considéré comme du harcèlement sexuel ?
Concernant le harcèlement sexuel au travail, il peut se manifester de différentes façons, telles que :
- Des remarques sur l’apparence physique ou la tenue
- Des propos à connotation sexuelle ou sexiste
- La mise en évidence de textes, images, vidéos ou objets à caractère explicite
- Des contacts physiques non désirés
- Des cadeaux nombreux gênants, malgré des refus successifs
- Des propos ou questions d’ordre intime
- Des actes sexuels mimés
Comment réagir en cas de harcèlement au travail ?
Mener une enquête interne
Les faits de harcèlement moral ou sexuel peuvent vous être rapportés par :
- Le salarié lui-même
- Sa hiérarchie
- Les représentants du personnel ou le CSE en vertu de son droit d’alerte
- L’inspection du travail
Dans tous les cas, le Code du travail vous impose de mener une enquête interne, et de vous concentrer sur les faits pour garder un maximum d’objectivité.
Pour cela, vous devrez réunir le plus d’informations possible, à la fois précises et détaillées. Il faudra se tourner vers la personne qui a signalé le harcèlement, et potentiellement interroger les autres salariés : collègues et supérieurs hiérarchiques.
Établir la matérialité des faits
Vu le nombre important de cas de figure, employeur et victime doivent rassembler les faits précis et concordants pour pouvoir prouver le harcèlement au travail, quel qu’il soit.
- Les traces écrites : e-mails, sms, notes, etc.
- Les documents internes à l’entreprise : fiches de paie, plannings
- Les enregistrements : messages téléphoniques
- Les témoignages d’autres collègues ou de tiers (livreurs, clients, fournisseurs, etc.)
- Le certificat médical du médecin traitant
- Les comptes rendus effectués par la victime au moment des faits, sous la forme d’un carnet de bord par exemple.
Ces différentes preuves permettent d’établir la matérialité des faits. Elles peuvent être réunies par le salarié victime du harcèlement moral, et/ou par l’employeur, qui a aussi un rôle à jouer.
Assurer la protection du salarié victime de harcèlement
Votre premier réflexe doit être d’assurer la protection du salarié victime de harcèlement. Ainsi, selon la gravité des faits, vous pouvez envisager de retirer le salarié de son poste de travail ou prononcer une mise à pied conservatoire à l’encontre du salarié présumé fautif.
À savoir que le salarié victime ou témoin de harcèlement moral ou sexuel bénéficie de la protection de la loi contre les mesures de représailles tel que le licenciement.
Ce n’est qu’au terme d’une analyse rigoureuse des éléments disponibles que vous pourrez déterminer si les faits sont constitutifs de harcèlement, et prendre les mesures nécessaires.
Bon à savoir : dans les cas de harcèlement moral, la victime ou la personne mise en cause ont la possibilité de demander une procédure de médiation, en concertation avec l’employeur.
Sanctionner
Les actes de harcèlement avérés ou simplement présumés exposent l’organisation et l’auteur des faits à deux régimes de sanctions nettement distincts, mais complémentaires, l’un relevant du droit du travail, l’autre du droit pénal.
1. Les sanctions à l’intérieur de l’entreprise
Dès lors que l’employeur dispose d’éléments suffisamment circonstanciés – rapports de témoins, notes internes, constats médicaux ou tout autre indice crédible – il doit, au titre de son obligation de sécurité et pour garantir un climat serein au sein des équipes, enclencher une procédure disciplinaire. Celle-ci suit un canevas strict :
- Mise à pied conservatoire éventuelle du salarié mis en cause afin d’écarter tout risque de récidive ou de pression sur les témoins ;
- Convocation à entretien préalable envoyée en lettre recommandée ou remise en main propre contre décharge, précisant l’objet, la date, l’heure et le lieu de la rencontre ;
- Entretien contradictoire durant lequel l’intéressé peut être assisté par un représentant du personnel ou un collègue ;
- Notification de la sanction (avertissement, blâme, rétrogradation, mutation disciplinaire ou licenciement pour faute grave ) au plus tard deux mois après la découverte des faits, conformément à l’article L1332-4 du Code du travail.
Cette action interne poursuit un double objectif : assurer une meilleure sécurité au travail pour l’ensemble du collectif et démontrer que l’employeur a pris toutes les mesures nécessaires pour faire cesser les agissements illicites. À défaut d’une réaction diligente, la responsabilité civile de l’entreprise peut être engagée devant le conseil de prud’hommes, avec, à la clé, dommages et intérêts substantiels au profit de la victime.
2. Les sanctions prononcées par les juridictions pénales
Indépendamment de la procédure RH, le harcèlement moral (article 222-33-2-2 du Code pénal) ou sexuel (article 222-33) constitue un délit punissable : le tribunal correctionnel peut infliger jusqu’à deux ans d’emprisonnement et 30 000 € d’amende. Lorsque des circonstances aggravantes sont reconnues – vulnérabilité particulière de la victime, abus d’autorité, pluralité de victimes, utilisation d’un réseau numérique – la peine maximale atteint trois ans de prison et 45 000 € d’amende. S’y ajoute fréquemment l’obligation de verser à la partie civile des réparations financières couvrant le préjudice moral, la perte de revenus et, le cas échéant, les frais médicaux engagés pour traiter les troubles anxieux ou dépressifs causés par le harcèlement.
Il est crucial de souligner que la victime peut cumuler :
- une plainte pénale dirigée contre l’auteur direct ;
- une action prud’homale visant la faute de l’employeur pour manquement à son devoir de prévention et de protection.
En pratique, mener de front ces deux procédures – disciplinaire interne et répressive externe – démontre la volonté de l’entreprise de lutter efficacement contre le harcèlement tout en rappelant le caractère gravement répréhensible de tels comportements
Que faire, qui alerter en cas de harcèlement de l’employeur lui-même ?
Dans certaines situations, il peut arriver que le salarié victime de harcèlement ne trouve pas l’aide dont il a besoin auprès de son employeur. Soit parce que c’est l’employeur lui-même qui commet ce harcèlement, soit parce que les signalements effectués n’ont pas été pris au sérieux.
Le salarié peut se tourner vers les acteurs suivants :
- Les représentants du personnel
- L’inspection du travail
- La médecine du travail
- Le conseil des prud’hommes
- Le Défenseur des droits, si le harcèlement semble motivé par une discrimination.
Comment porter plainte pour harcèlement ?
Le harcèlement étant un délit reconnu par le Code pénal, un salarié s’estimant victime a la possibilité de saisir un juge pénal, dans un délai de 6 ans à partir du fait le plus récent de harcèlement. C’est le tribunal correctionnel qui est compétent pour juger ces affaires.
Si vous êtes, en tant qu’employeur, l’auteur des faits de harcèlement, vous vous exposez aux sanctions prévues par le Code pénal.
Mais même si le harcèlement est le fait d’un autre salarié, votre responsabilité d’employeur pourra être mise en cause. Ainsi, une victime de harcèlement peut à la fois porter plainte contre l’auteur des faits au pénal, et saisir le conseil des prud’hommes pour obtenir réparation du préjudice auprès de son employeur, en demandant des dommages et intérêts.
Au-delà des éventuelles condamnations, la façon dont vous allez gérer les cas de harcèlement aura des répercussions en interne, sur l’ensemble de votre personnel, mais aussi en externe, en termes de réputation. Votre marque employeur en prendrait un coup !
Lutte contre le harcèlement moral : l’importance de la prévention
Ne vous voilez pas la face ! Le harcèlement au travail peut survenir dans tous les secteurs d’activité et tous les types de structures, de toutes les tailles. En conséquence, la mise en place d’une véritable politique de prévention est indispensable. Elle entre dans le cadre de votre obligation de sécurité et de protection de la santé de vos salariés, tant physique que mentale.
La lutte contre le harcèlement au travail passe à la fois par l’information de tous les salariés, et par la formation des managers. Cette sensibilisation étant nécessaire pour repérer l’existence de situations de harcèlement, qui ne font pas toujours l’objet d’un signalement par les victimes.
À savoir qu’à partir de 50 salariés, vous avez en plus l’obligation de mettre en place un règlement intérieur. Il comporte certaines clauses obligatoires, notamment les dispositions concernant le harcèlement moral et sexuel.
FAQ
Comment prouver un harcèlement moral au travail ?
La preuve repose d’abord sur l’accumulation de faits précis, datés et concordants : courriels déplacés, SMS, rapports d’altercation, attestations de collègues ou de clients, certificats médicaux constatant l’impact psychologique. Un journal de bord tenu par la victime ou l’employeur facilite la chronologie. Ces éléments objectifs peuvent justifier une rupture du contrat aux torts de l’auteur, mais aussi la prise en charge ultérieure des frais médicaux engagés par le salarié. Enfin, dans les cas les plus sensibles, la désignation d’un expert externe ou la convocation d’un médecin du travail viennent compléter le dossier de preuves.
Qu’est-ce qui peut être considéré comme du harcèlement au travail ?
Il s’agit d’un délit punissable qui englobe gestes, paroles ou décisions organisationnelles répétées ayant pour but ou pour effet d’altérer la santé mentale, la dignité ou les perspectives professionnelles d’un salarié : critiques systématiques, isolement, surcharge ou privation de tâches, consignes contradictoires, pressions sexuelles, propos sexistes, attouchements non consentis, etc. La loi précise que l’existence d’un lien hiérarchique n’est pas nécessaire ; un collègue, un prestataire, voire un client peut être l’auteur du harcèlement.
Quels sont les signes d’un harcèlement moral au travail ?
Une dégradation soudaine des performances, l’absentéisme, la démotivation, l’irritabilité ou des somatisations répétées (troubles du sommeil, migraines) sont des alertes typiques. Sur le plan organisationnel, l’accumulation de blâmes infondés, la « mise au placard », ou l’exclusion des réunions stratégiques menacent directement l’avenir professionnel de la personne ciblée. Repérer ces signaux faibles dès qu’ils surgissent aide à limiter la propagation du risque psychosocial.
Comment lutter contre le harcèlement au travail ?
La direction doit réagir sans délai : ouverture d’une enquête interne, suspension provisoire de l’auteur présumé, et offre d’accompagnement psychologique. L’intervention d’un médiateur agréé, proposée à la victime et à la personne mise en cause, peut rétablir le dialogue ou préparer une transaction. À l’issue de l’investigation, les sanctions disciplinaires — avertissement, mutation, voire licenciement pour faute grave — sécurisent le collectif tout en rappelant le caractère inacceptable des agissements.
Comment dénoncer ou signaler un harcèlement au travail ?
Le salarié dispose de plusieurs canaux : son manager, les ressources humaines, le comité social et économique (CSE) via son droit d’alerte, la médecine du travail ou l’inspection du travail. Une demande de conciliation devant le conseil de prud’hommes peut être engagée si les faits ne sont pas pris en compte. Lorsque l’employeur lui-même est mis en cause, la plainte pénale ou la saisine du Défenseur des droits garantissent l’impartialité de la procédure.
Comment prévenir le harcèlement au travail ?
La prévention repose sur une obligation de prévention légale : cartographie des risques, intégration d’une clause anti-harcèlement dans le règlement intérieur, formations annuelles des managers, dispositifs d’alerte anonymes, et campagnes de sensibilisation. Des indicateurs sociaux (turn-over, absences, enquêtes climat) complètent la veille. En créant une culture de respect et de responsabilité partagée, l’entreprise réduit durablement la probabilité d’incidents tout en préservant la santé, la sécurité et la performance globale de ses équipes.
L’essentiel à retenir
Le harcèlement au travail, qu’il soit moral (atteintes répétées à la dignité, pressions psychologiques, isolement, surcharge ou privation de tâches) ou sexuel (propos, gestes, ou comportements à connotation sexuelle non désirés), ne se décrète jamais sur la base d’un unique incident ; il se reconnaît au contraire grâce à une analyse rigoureuse de faits précis, concordants et réitérés. Dès que ces éléments sont réunis, l’employeur doit activer sans délai l’arsenal de sanctions : d’un côté, la voie disciplinaire interne – avertissement, mutation, rétrogradation, jusqu’au licenciement pour faute grave – qui protège le collectif et rappelle l’interdiction absolue de tels agissements ; de l’autre, la voie pénale, puisque le harcèlement constitue un délit punissable pouvant aboutir à des peines d’emprisonnement et de lourdes amendes.
Parce que la législation sociale et la jurisprudence évoluent constamment – nouvelles définitions des risques psychosociaux, renforcement de l’obligation de prévention, élargissement du rôle du comité social et économique (CSE), mise à jour régulière des grilles de sanctions – nos clients nous confient non seulement le cycle complet de paie de leurs salariés, mais aussi leur veille réglementaire. En externalisant avec nous vos obligations administratives, vous gagnez du temps, sécurisez vos process, et bénéficiez d’un accompagnement RH sur-mesure : analyse d’impact des réformes, rédaction de procédures internes, formation des managers, conseils sur la prévention et la gestion des signalements. Contactez dès aujourd’hui nos gestionnaires de paie : ils transformeront la conformité légale en véritable levier de qualité de vie au travail, de performance collective et d’attractivité de votre marque employeur.
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