Travail au « black », travail au noir. Ces deux expressions désignent le terme juridique : travail dissimulé. Il s’agit d’un délit qui recouvre en fait deux situations de fraude et qui peut avoir de lourdes conséquences sur le plan juridique et financier. Cabinet d’externalisation de la paie, We paie vous détaille aujourd’hui comment prouver une dissimulation de travail et les risques encourus.
C’est quoi le travail dissimulé ?
Attention à ne pas confondre les deux notions : travail dissimulé et travail illégal. Ce dernier terme regroupe plusieurs situations, dont le prêt illicite de main d’œuvre, le travail dissimulé et le marchandage. Tandis que le travail dissimulé désigne seulement deux situations :
- La dissimulation de l’activité professionnelle pour une entreprise
- La dissimulation d’un emploi salarié pour un employeur
L’emploi salarié dissimulé
Selon l’article L.8221-5 du Code du travail, un emploi est dit « dissimulé » en cas d’omission volontaire des obligations sociales suivantes :
- La transmission de la déclaration préalable à l’embauche (DPAE) à l’Urssaf
- La remise du bulletin de paie au salarié
- La mention du nombre d’heures réellement travaillées sur le bulletin de salaire
- La production des déclarations périodiques obligatoires (DSN) relatives aux cotisations sociales
Ces pratiques concernent surtout le secteur de l’aide à domicile, principalement le personnel de ménage ou de baby-sitting occasionnel. Les secteur du bâtiment et de la restauration sont également dans le viseur de l’inspection du travail.
Pour rappel, vous devez effectuer votre DPAE au plus tard avant l’entrée en fonction de votre salarié, et au plus tôt 8 jours avant l’embauche.
La dissimulation d’activité, partiellement ou totalement
Pour un chef d’entreprise, la dissimulation d’activité consiste, à :
- Poursuivre son activité malgré la radiation de son entreprise du RCS ou du RM (répertoire des métiers),
- Ou ne pas avoir effectué les formalités d’immatriculation au démarrage de son activité indépendante.
- Ou ne pas remplir ses obligations fiscales et/ou sociales (auprès de l’Urssaf). Par exemple, ne pas déclarer toutes ses recettes à l’administration fiscale lors de la déclaration de ses revenus. Dans ce cas, il s’agit d’une dissimulation partielle d’activité.
Afin de lutter contre la dissimulation d’activité, le gouvernement exige des entreprises de vérifier que leur sous-traitant, et/ou leur prestataire de service s’acquitte bel et bien de ses obligations de déclarations et de paiements de leurs cotisations auprès de l’Urssaf. C’est l’obligation de vigilance.
L’obligation de vigilance en détail
Cette obligation sociale entre en vigueur quand le contrat de prestation porte sur au moins 5 000 € HT. Dans ce cas, l’entreprise « donneuse d’ordre » doit demander à son prestataire (ou sous-traitant) de lui fournir le document qui atteste de son immatriculation et remplir l’attestation de vigilance au moment où le contrat est conclu. Celle-ci se télécharge sur le site de l’Urssaf. Puis tous les 6 mois, vous devez renouveller la vérification, jusqu’à ce que le contrat arrive à terme.
La vérification consiste à entrer le code sécurité qui apparait sur l’attestation dans le module de vérification prévu à cet effet sur le site de l’Urssaf.
Attention ! si votre prestataire s’est rendu coupable de travail dissimulé, et que vous n’avez pas rempli votre obligation de vigilance, vous pouvez être solidairement tenu de payer les sanctions qui lui sont infligées.
Comment prouver qu’une personne travaille au noir ?
Dans le cadre d’un contrat conclu entre une entreprise « donneur d’ordres » et un sous-traitant ou un prestataire, c’est l’absence de réelle autonomie qui révèle l’existence d’un lien de subordination entre le donneur d’ordre et le cocontractant. Or, ce lien ne peut exister que dans le salariat. Entre des cocontractants, le lien de subordination est constitutif du délit de travail dissimulé. Cette situation peut donc entraîner une requalification du contrat de sous-traitance (ou de prestation) en CDI.
De plus, si le travail dissimulé est prouvé, l’entreprise donneuse d’ordre peut être condamnée à payer les impôts et les cotisations sociales dus par son sous-traitant.
À savoir que le lien de subordination se traduit par des directives données par le donneur d’ordre à son sous traitant ou son prestataire de service, le contrôle de leur exécution et une sanction en cas de manquements. Dans ce cadre, les revendications des chauffeurs de VTC ont justement vu leur collaboration avec Uber être requalifiées en contrat de travail.
Dans le cadre d’un emploi salarié dissimulé, le caractère intentionnel de la dissimulation doit être prouvé.
Comment dénoncer un travail dissimulé ?
Toute infraction au droit du travail, commise ou soupçonnée peut être dénoncée par :
- Le salarié concerné
- Un membre du CSE
- Un représentant du personnel
La dénonciation anonyme est toujours possible mais elle est rarement suivie d’effets. D’autant que le salarié qui saisit l’inspection du travail (la Dreets) bénéficie de la confidentialité.
Refusez systématiquement de travailler sans contrat de travail !
Nous vous recommandons d’envoyer un mail, ou un courrier en recommandé avec AR à l’inspecteur du travail territorialement compétent si vous constatez (ou soupçonnez) qu’un salarié n’a pas été déclaré. Il en va de même en cas de :
- Non-respect de la législation concernant la durée maximale de travail
- Non-respect d’une obligation de sécurité au sein de l’entreprise
Dans votre e-mail ou courrier, ou lors d’un rendez-vous sollicité au préalable, vous exposerez les faits reprochés à votre employeur en apportant tous les éléments de preuve que vous jugerez utiles.
Qu’est-ce que risque l’employeur coupable de travail dissimulé ?
Dès lors que l’intention de l’employeur de ne pas déclarer son salarié a été prouvée, le chef d’entreprise (personne physique) risque une peine de 3 ans d’emprisonnement et 45 000 € d’amende, doublée en cas de récidive. Voire 5 ans de prison et 75 000 € si le travail dissimulé concerne un mineur ou une personne vulnérable. Il s’expose aussi aux risques suivants :
- L’interdiction d’exercer
- L’interdiction de participer aux marchés publics
- La perte de ses droits civiques
S’il dirige une société (personne morale), celle-ci peut-être condamnée à une amende de 225 000 €, une fermeture administrative, et l’affichage du jugement dans les journaux…
À cela s’ajoute le remboursement de toutes les cotisations sociales, les taxes et les impôts qui n’ont pas été déclarés à l’État. Et si le salarié ne savait pas qu’il n’était pas déclaré (ou partiellement déclaré), il est lui aussi en droit de demander une indemnité financière à son employeur.
Notez que le caractère intentionnel est caractérisé dans les cas suivants :
- Si votre effectif salarié est inférieur à 50, vous ne pouvez pas ignorer un salarié qui ferait un nombre d’heures équivalent à un temps plein, alors qu’il est embauché à temps partiel
- De même, vous ne pouvez pas ignorer la quantité d’heures effectuées par un salarié qui envoie régulièrement des e-mails le soir et les week-ends
Quelles sont conséquences pour le salarié ?
Le salarié dont l’employeur dissimule le travail subit d’ores et déjà un préjudice puisqu’en l’absence de cotisations sociales, il ne peut pas bénéficier :
- De la sécurité sociale en cas de maladie
- Du droit au chômage
- Des indemnités de rupture en fin de contrat
En conséquence, il a le droit à une indemnité forfaitaire égale à 6 mois de salaire lorsque la dissimulation de son emploi est avérée et son « contrat » rompu. Ce, que son travail ait été partiellement ou totalement dissimulé.
Si toutefois il a perçu en parallèle le RSA ou l’allocation chômage (ARE ou ASS), il devra rembourser toutes les sommes qui lui auront été versées.
Les contrôles Urssaf
Hormis la dénonciation à l’inspection du travail, la dissimulation d’emploi peut être découverte par l’Urssaf aussi. En effet, l’une de ses principales missions est de veiller au recouvrement des cotisations sociales.
Ainsi, les contrôles de l’Urssaf s’effectuent sur la base de l’analyse de données et suite à des signalements pour suspicion de fraude. En principe, l’organisme envoie un avis de contrôle 30 jours avant la date de la première visite. Mais lorsque le contrôle porte sur le travail dissimulé, votre entreprise ne sera pas prévenue. Les agents de contrôle peuvent réclamer tous les documents RH que vous devez tenir régulièrement, tel le registre du personnel, et interroger tous vos salariés. Notez qu’ils peuvent remonter jusqu’à 5 ans avant la date du contrôle.
À l’issue du contrôle, qui comprend une phase contradictoire, l’Urssaf notifie un redressement à l’entreprise, à payer dans les 30 jours.
À savoir que le travail dissimulé constitue un facteur aggravant. En conséquence, le montant du redressement fait l’objet d’une majoration de 25 %, ou 40 % dans les cas d’emploi dissimulé d’un mineur ou d’une personne vulnérable. De plus, en cas de récidive dans les 5 ans qui suivent un redressement, la majoration est plus importante : elle passe de 25% à 45%, voire 60% quand la personne est mineure ou vulnérable.
Notre mission ? Vous offrir un accompagnement sur-mesure en fonction de vos besoins et de vos obligations sociales. Vous envisagez d’externaliser la gestion de vos paies, de vos contrats de travail, vous avez des questions ? Nos équipes sont à votre écoute !